Dieu est partout mais il ne se révélera à vous que si vous lui ouvrez la porte. Et pour la porte, vous avez le choix. Si le mot Dieu vous dérange, libre à vous de le remplacer par l’Univers, l’Un, l’Unité, la Source ou que sais-je encore. Vous pouvez même l’appeler la Force, si vous êtes fan de Star Wars. Après tout ce n’est qu’un mot, et « le mot n’est pas la chose » disait Krishnamurti. Voici huit portes qui vous mèneront vers l’incommensurable. Essayez-les toutes ; jouez avec. Certaines vous cèderont facilement, d’autres s’ouvriront après insistance, peut-être en grinçant. D’autres encore vous résisteront plus longtemps, voire pour toujours. Ces portes ne se donnent pas à tout le monde de la même façon. Vous aurez plus de facilités avec l’une ou l’autre en fonction de votre sensibilité ou de votre vécu. Mais elles fonctionnent toutes. Vous découvrirez en chemin que ce n’est pas la porte qui résiste mais vous-même.

« Pour faire véritablement l’expérience de ce qu’on pourrait appeler Dieu, il faut que l’esprit soit complètement silencieux, et n’avez-vous pas constaté combien c’est difficile ? » Jiddu Krishnamurti (1895,1986), philosophe.

Le silence

En tant que musicien, c’est l’une des portes avec lesquelles j’ai le plus de plaisir à jouer. Le son naît du silence et retourne au silence. Le silence ne se perçoit que par rapport au son. On pourrait penser que sans le son, il n’y aurait que du silence. Mais même pas : si vous enlevez tous les sons, absolument tous, il ne reste même plus le silence. Car sans la dualité, il n’est plus. L’un n’est rien sans l’autre. Ils sont parfaitement interdépendants. Sur une partition de musique, le silence est mesuré, codifié. Les notes ne transmettent l’émotion que grâce à lui. Dans la vie, il occupe plus de place que le son, mais nous ne n’en avons pas conscience. Nous tentons même souvent de l’éradiquer par la télévision, la radio, les bavardages.

Prêtez attention au silence au milieu du bruit, entre chaque phrase, entre chaque mot. Plongez dans les espaces qui s’ouvrent entre deux vibrations sonores. Dépassez même le sifflement qui se révèle parfois en l’absence de bruit. Vous découvrirez que le silence est doté d’une réalité, d’une solidité régénérantes, qu’il est une source inépuisable de repos. Et vous vous sentirez peu à peu absorbé par une immense paix. Entendre le silence extérieur impose le silence intérieur.

L’espace

L’espace, ou si vous préférez, le vide, a le même rapport avec la matière que le silence avec le son. L’espace ne s’apprécie que par rapport aux objets, aux murs qui l’occupent. Sans objets, sans murs, sans matière, il n’y a que de l’espace. Et donc il n’y a plus même d’espace. Car cela ne veut plus rien dire. Les scientifiques nous démontrent aujourd’hui ce que les sages savent depuis longtemps : ce que nous considérons comme solide n’est qu’une illusion. Le monde des formes n’a pas de réalité. Dans n’importe quel objet, il y a plus de vide que de solide. Il en est de même pour votre corps : vous n’êtes pratiquement que du vide. Et lorsqu’on descend au plus profond de la matière, on ne trouve plus que vibrations. Plus de vide que de solide, c’est vrai aussi pour l’infiniment grand. L’univers, malgré les centaines de milliards de galaxies qu’il contient, est essentiellement vide.

Détachez votre attention du monde matériel. Apprenez à voir l’espace ; prenez conscience de ce qui sépare les objets les uns des autres, de ce qui leur permet d’exister. Les objets ont chacun une correspondance mentale, l’espace n’en a pas. Dès que vous entrez dans la contemplation du vide, votre pensée, n’ayant plus de support, s’arrête aussitôt. Tandis que chaque forme est vouée à disparaître, le vide, le sans-forme, vous fait toucher l’immensité.

La respiration

La respiration est la première porte que j’ai tenté d’ouvrir. C’était après avoir lu Le livre des secrets d’Osho. Le système respiratoire est un système physiologique à part qui fonctionne au choix selon deux modes : automatique ou manuel, tandis que d’autres systèmes ne travaillent que sur un seul mode. Le système circulatoire, par exemple, ne nécessite pas notre intervention pour être à l’œuvre. A moins d’être un maître yogi, vous n’avez aucun contrôle sur votre rythme cardiaque. La respiration, elle non plus, n’a pas besoin de notre volonté pour jouer son rôle : c’est le mode automatique. Pourtant nous pouvons prendre la main à tout moment : c’est le mode manuel. La respiration est sensible à notre état émotionnel, mais elle peut aussi l’influencer. Voilà pourquoi il peut être utile de la considérer.

Vous trouverez quantité d’exercices basés sur la respiration. Mais commencez par le plus simple : l’observation. Observez d’abord votre respiration quand vous ne faites rien : avant de vous endormir, en train, dans la queue au supermarché. Puis essayez durant une activité mécanique : en marchant, en faisant la vaisselle, en passant l’aspirateur. Enfin, pratiquez l’observation au cours d’activités plus complexes, par exemple pendant que vous parlez ou que vous lisez. Ressentez votre respiration, simplement, sans contrôle : le rythme, le mouvement, l’amplitude… L’intemporel ne tardera pas à s’ouvrir à vous.

Le corps

Pour le masseur que je suis, la porte du corps est essentielle. Je l’utilise souvent en faisant mon yoga. Tant que notre mental nous domine, nous sommes coupés du corps. Tant que nous restons bloqués dans nos pensées, et c’est souvent le cas, nous ignorons notre profondeur. Si nous ne maîtrisons pas notre pensée, elle devient une maladie qui participe à la folie collective. Pour endiguer le processus, nous pouvons placer plus de conscience dans le corps. Les pensées nous maintiennent hors du corps, la conscience peut nous ramener à l’intérieur. Notre corps physique est la manifestation visible d’une vibration subtile : notre corps énergétique. Sortir de nos pensées, quitter la surface, pour entrer dans le corps, c’est reconnaître la présence qui habite cette enveloppe, c’est reconnecter avec l’unité et ressentir que nous sommes bien plus qu’une forme éphémère.

Asseyez-vous. Fermez les yeux. Quittez votre mental et placez toute votre conscience dans le corps. Identifiez les contours de votre corps physique, sa consistance, sa densité. Peu à peu, délaissez sa forme, ignorez-la, oubliez-la. Et restez attentif à ce qui reste : une vibration, une fréquence, une énergie… Peu importe le mot. Accueillez, sans chercher à analyser. Bientôt vous sentez un courant qui vous relie à plus vaste que vous. Avec un peu d’expérience, vous arriverez à habiter le corps durant la plupart de vos activités. Gardez ce contact le plus souvent possible. Et un sentiment de plénitude s’imposera en vous.

La différenciation du mental

« Cogito ergo sum » (« Je pense donc je suis ») disait Descartes. La grande découverte ! C’est ainsi que tout naturellement, nous assimilons l’être au mental. Cette identification à notre mental est la source de tous nos maux. Le mental est fait de pensées et d’émotions. Il collecte l’information, l’analyse, l’archive et réagit. Il rejoue fréquemment des drames du passé, projette peur ou espoir dans l’avenir, mais est incapable de se fixer sur le présent. La majorité de son activité ne produit rien d’autre que de vains bavardages intérieurs et des pensées répétitives. Pourtant le mental est un outil merveilleux pour mettre en œuvre des solutions. Mais lorsque l’outil prend l’initiative à notre insu, il devient un monstre. Si vous croyez être votre mental, si vous ne pouvez pas l’arrêter et le mettre à votre service, alors vous êtes son esclave. Reconnaître cet esclavage est le premier pas vers la libération, le premier élan pour se libérer des pièges et des manipulations de la pensée.

Vous n’êtes pas votre mental. Certes mais comment mettre fin à cette identification ? Commencez par observer vos pensées, vos émotions. Surtout ne jugez pas : observez simplement. Si vous pouvez observer vos pensées, alors vous n’êtes pas votre mental. Puisque désormais, il y a le mental… et l’observateur. L’observation de vos pensées vous fera changer de niveau de conscience. Vous assisterez en direct à la naissance et la disparition d’une pensée dans toute sa beauté. Peu à peu l’espace entre deux pensées s’élargira. Et dans ces espaces vous connaîtrez la conscience pure : je ne pense pas donc je suis.

L’attention

Alors que je n’étais pas encore ouvert à la spiritualité, j’étais capable, à mon grand étonnement aujourd’hui, de traverser une forêt sans entendre chanter les oiseaux, sans même voir les arbres déployés le long du chemin, absorbé que j’étais dans mes pensées. A quel point manquons-nous d’attention ? Votre interlocuteur vous parle. Mais vous réfléchissez déjà à votre réponse, à vos objections ou à toute autre chose. Peut-être n’attendrez-vous même pas la fin de sa phrase pour lui lancer un jubilatoire « moi, je… » Ne confondez pas attention et concentration. La première embrasse, la seconde exclut et isole. Notre mental excelle à la concentration, mais il ne connaît pas l’attention. Il sélectionne, il nomme, il juge, sans jamais pouvoir saisir d’un seul trait la totalité de ce qui l’entoure. Pourquoi ? Parce que l’attention est au-delà du mental : c’est cet état de vigilance qui fait taire les pensées.

Ouvrez tous vos sens. Elargissez votre champ. Essayez d’être attentif sans poser un seul mot, une seule réflexion, sur ce que vous percevez. Entendez tous les bruits : un bébé qui pleure, des voitures qui démarrent. Voyez le bus qui s’arrête, les gens qui courent, les nuages qui se bousculent. Sentez les odeurs : parfum, transpiration. Ressentez vos vêtements sur le corps, le café chaud dans la gorge. Soyez entièrement présent à toutes ces sensations. Et tout d’un coup il n’y aura plus de centre : l’observateur aura disparu. C’est cela l’attention.

Le lâcher-prise

Dans le quotidien, il y a de très nombreuses occasions de pratiquer le lâcher-prise. Lâcher prise c’est abandonner toute résistance face aux vicissitudes de la vie. Résister aux événements vous embarque dans un flot d’émotions qui peut vous submerger. Dès qu’une émotion apparaît, qu’elle s’installe, si vous ne savez pas l’observer, elle vous contrôle et vous coupe du monde. Elle est comme un filtre déformant qui vous fait croire en sa réalité. Lorsque survient un événement que vous jugez négatif, vous vous crispez. Pourtant si vous remontez la chronologie d’un événement « positif », vous trouverez toujours à l’origine un événement « négatif » sans lequel le positif n’aurait jamais été. Lorsque vous lâchez prise, le monde s’écoule avec fluidité sous votre regard neutre. Il n’y a plus d’événements positifs ou négatifs. Il n’y a que des faits. Il n’y a plus de contrariétés, il n’y a que des défis, des opportunités de grandir.

La prochaine fois que les choses ne se dérouleront pas comme prévu, lâchez prise. Réjouissez-vous à l’avance de ce qui viendra par la suite. Si vous ratez une affaire, c’est peut-être pour rebondir sur une meilleure affaire, ou pour préserver votre santé. Vous ne le savez pas sur l’instant. Alors observez et laissez faire. Un dysfonctionnement est toujours l’occasion d’éviter le pire, de faire une belle rencontre ou de s’émerveiller d’une précieuse découverte. Essayez : le lâcher-prise vous élèvera.

L’attitude-témoin

« Développez l’attitude-témoin » encourageait Nisargadatta, l’un des maîtres modernes de ce courant spirituel séculaire qu’est l’Advaïta Vedânta. Selon lui, cette voie peut nous mener à l’éveil si nous en faisons une pratique régulière, une sadhana. L’approche consiste à mettre virtuellement sa conscience en retrait, à l’exclure volontairement du jeu de la vie. Tant que nous sommes entièrement absorbés, dévorés par la scène, nous manquons du recul nécessaire à l’objectivité. Trop impliqués, nous prêtons facilement le flanc à la souffrance. Nous devenons de plus en plus le jouet de nos émotions. Et nous traversons la vie, endormis, en lutte avec le monde. Tandis qu’en tant que témoins nous sommes toujours moins touchés par ce qui arrive. Nous embrassons le monde ; plus rien n’a de prise sur nous. En plaçant notre conscience à l’écart du tableau, nous voyons sous un autre angle que celui de l’ego.

Au cours de la journée, placez votre conscience derrière vous, à côté de vous ou au-dessus de vous. Laissez se dérouler sans juger le film de la vie dont vous êtes un des personnages. Regardez-vous interagir avec autrui, entendez-vous parler. Vous n’êtes qu’un spectateur de la scène qui se joue. Des images réalistes, une bande-son expressive, des acteurs convaincants, tout y est, même le suspens. Et surtout la distance qui vous fait voir toute la beauté du monde.

Ouvrez les portes

Toutes ces portes ont un point commun : elles vous permettent d’interrompre momentanément le flux de vos pensées. Elles ouvrent toutes sur le même espace : l’espace du présent. Un espace où le mental n’a pas sa place, lui qui ne sait qu’errer entre passé et futur. Tant que nous sommes envahis par les pensées, nous n’avons pas accès à cet espace. De même que la clarté du jour nous empêche de voir dans le ciel les milliards d’étoiles. Les bavardages incessants de notre mental nous masque une importante partie de nous-mêmes et nous laisse dans l’ignorance de toute une dimension de la vie. Quand le mental se tait, comme lorsque notre soleil se couche, l’univers étoilé apparaît peu à peu. Et l’éternité que vous êtes se révèle.

Vous êtes le ou la seul(e) à pouvoir ouvrir ces portes. Personne ne le fera pour vous. Car ce n’est pas la simple lecture qui amènera une évolution. « La lanterne de l’expérience n’éclaire que celui qui la porte » disait Kong Fuzi. C’est la pratique régulière qui vous apportera des changements dans votre vie. Ouvrez l’une de ces portes en toutes occasions, même un court instant. Nous l’avons vu, vous n’avez pas à bloquer du temps pour ça. Le manque de temps ne sera donc jamais une excuse valable pour ne pas pratiquer. Ces exercices peuvent parfaitement se superposer à vos activités quotidiennes.

Poursuivez la méditation en lisant Le pouvoir du moment présent d’Eckart Tolle.

Vivez intensément et dites-moi dans les commentaires quelle est votre porte préférée.